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L'empreinte des entreprises et le climat

Les entreprises contribuent au réchauffement climatique, à la pollution de l’air, de l’eau et des sols et à la raréfaction des ressources. Elles peuvent ainsi violer le droit à un environnement sain, reconnu progressivement comme un droit fondamental. Reste toutefois le problème de la réparation et de la remise en état de l’environnement affecté, qui représente encore souvent une bataille à mener pour les communautés locales.


Particulièrement touchées par les conséquences du réchauffement climatique, les Philippines viennent de marquer un premier pas dans la reconnaissance des populations à disposer d’un environnement sain. Le 27 juillet dernier, la Commission des droits de l’Homme locale a porté plainte contre 47 entreprises pour leur contribution au dérèglement climatique. Parmi elles, les Français Total et Lafarge, mais aussi d’autres grandes multinationales comme Chevron, ExxonMobil, BP, Royal Dutch Shell ou encore Glencore.
"Il s’agit là d’une démarche juridique complètement inédite, a réagi l’ONG Greenpeace dans un communiqué. Elle s’inscrit dans un mouvement citoyen visant à demander des comptes à la justice pour les dégradations environnementales qui constituent des violations des droits fondamentaux, comme celui de vivre dans un environnement sain ou encore le droit à la santé." 

Émergence d’un droit à un environnement sain

Comme les émissions de gaz à effet de serre responsables du changement climatique, la déforestation, la pollution de l’eau, de l’air ou des sols, ou encore la raréfaction des ressources, provoquées par l’activité des entreprises, peuvent en effet porter atteinte au droit des populations locales à disposer d’un environnement sain. Ce droit, dans lequel on peut inclure le droit à l'eau, à l'air pur, à la jouissance de paysages, aux bénéfices de la biodiversité – en somme à la vie dans des conditions environnementales saines – commence à être reconnu en tant que droit fondamental de la personne humaine.
Une reconnaissance qui trouve son origine dans la Déclaration de Stockholm sur l'environnement humain, adoptée en juin 1972 : "L'homme a un droit fondamental à la liberté, à l'égalité et à des conditions de vie satisfaisantes, dans un environnement dont la qualité lui permette de vivre dans la dignité et le bien-être. Il a le devoir solennel de protéger et d'améliorer l'environnement pour les générations présentes et futures." 
Ce principe a notamment été repris dans la convention 169 de l'Organisation internationale du travail, relative aux peuples indigènes dans les pays indépendants. Celle-ci invite les États à prendre des mesures spéciales pour sauvegarder l'environnement de ces peuples. En France, la Charte de l’environnement, adoptée le 28 février 2005 par le Parlement à plus de 95% des suffrages, reconnait pour la première fois en droit français un droit à chacun de pouvoir bénéficier d’un environnement sain et respectueux de la santé.
Plus récemment, la loi biodiversité adoptée en juillet, a inscrit le préjudice écologique dans le code civil. En vertu de la règle du pollueur-payeur, il oblige le responsable d’un dommage à l’environnement, quel qu’il soit, à le réparer "par priorité en nature" ou, à défaut, à acquitter des dommages et intérêts.
Au niveau international, si aucun traité contraignant de l'ONU en matière de droits de l'Homme ne prévoit à ce jour un droit spécifique à un environnement sain, on observe, dans l’interprétation des droits humains existants, des éléments de protection pouvant contenir certaines exigences en matière de conditions environnementales. 

La difficile réparation du préjudice subi

Dans la pratique cependant, le droit à un environnement sain reste difficile à faire respecter, notamment quand il s’agit de faire réparer les dégâts causés. En cause notamment : la difficulté d’établir les responsabilités.
Un des exemples emblématiques reste le cas de Shell, implanté dans le delta du Niger depuis cinquante ans. La filiale nigériane de la compagnie anglo-néerlandaise y gère environ 50 champs de pétrole et 5 000 kilomètres d'oléoducs, pour la plupart vieillissants et mal entretenus. Selon les chiffres du géant pétrolier, 1 823 fuites d'hydrocarbures ont eu lieu depuis 2007.